Bienvenue dans le monde merveilleux – et un peu déjanté – de la poterie japonaise, où casser un bol ancien peut augmenter sa valeur. Oui, vous avez bien lu. Et non, ce n’est pas un accident. C’est même de l’art. Mieux encore : une philosophie de vie.
Chez FTC Magazine, on adore quand la poterie sort des sentiers battus. Et aujourd’hui, on vous parle du Kintsugi, l’art de réparer la céramique avec de l’or. Mais pas juste pour réparer. Pour magnifier. Et parfois… pour provoquer la casse.
C’est quoi, au juste, le Kintsugi ?
Le Kintsugi (金継ぎ, littéralement « jointure en or ») est une technique japonaise de réparation des céramiques cassées. Plutôt que de cacher les fissures, on les sublime en les recollant avec une laque naturelle, puis en les soulignant avec de la poudre d’or (ou parfois d’argent ou de platine).
Le résultat ? Une pièce unique, marquée par son histoire, dont les cicatrices deviennent des lignes précieuses. Le Kintsugi incarne une philosophie : celle du wabi-sabi, l’art de voir la beauté dans l’imparfait, dans le passage du temps, et dans ce qui a vécu.
Bref, le Kintsugi, c’est l’art de réparer en mieux. Un bol cassé ? Une métaphore brillante de la résilience, de la durabilité… et du style.
Le jour où un shogun a cassé le game

Commençons par une légende. L’histoire veut qu’au XVe siècle, le shogun japonais Ashikaga Yoshimasa, gros fan de thé (et de vaisselle chic), ait fait réparer un bol chinois cassé. Résultat ? Une vilaine agrafe en métal qui gâchait tout. Outré par cette tentative de bricolage approximatif, il aurait lancé un défi à ses artisans : « Faites-moi une réparation qui en jette. » (OK, probablement en vieux japonais, mais vous voyez l’idée.)
La réponse ? Le Kintsugi : une technique qui consiste à recoller les morceaux d’une céramique avec une laque saupoudrée de poudre d’or. Boom. Naissance d’un art.
Briser pour briller : la subversion en or
Là où ça devient vraiment fou, c’est qu’au fil du temps, certains collectionneurs n’ont plus attendu qu’un bol tombe accidentellement. Ils l’ont cassé exprès.
Pourquoi ? Parce qu’un objet réparé en Kintsugi ne perd pas de valeur. Au contraire, il en gagne. Il devient unique, porteur d’une histoire, sublimé par ses cicatrices dorées. C’est l’inverse total de notre obsession occidentale du « neuf, lisse, sans défaut ». Ici, la fissure est un bijou.
Imaginez une porcelaine de valeur, volontairement fracassée… puis recollée à l’or pour devenir encore plus précieuse. De la folie ? Peut-être. Mais aussi une démarche artistique, philosophique et, quelque part, un pied de nez au consumérisme.
Kintsugi 101 : l’imperfection comme idéal
Derrière l’esthétique, il y a tout un état d’esprit. Le Kintsugi est intimement lié à la pensée wabi-sabi, cette beauté japonaise de l’imperfection, du passage du temps, du naturel. Là où nous voyons un « défaut », le Kintsugi voit un « renouveau ».
Un bol fêlé devient plus fort, plus beau, plus vivant. Chaque ligne dorée raconte une histoire. Chaque réparation est une œuvre.
Et le plus beau ? Cette philosophie s’applique aussi à nous. On a tous des cassures, des chutes, des blessures. Le Kintsugi nous dit : tu peux les sublimer. Les montrer. En faire ta force.
Le retour du Kintsugi : entre DIY, déco et thérapie
Aujourd’hui, le Kintsugi revient en force, au croisement de l’artisanat, du développement personnel et du lifestyle écoresponsable.
- Des ateliers de Kintsugi fleurissent à Tokyo, Paris ou Montréal. On y répare ses objets fêlés… et parfois ses petits traumas.
- Des marques déco reprennent l’esthétique dorée dans leurs collections.
- Et certains thérapeutes l’utilisent comme métaphore puissante de résilience.
Même dans les milieux du design et de la mode, la « cicatrice dorée » devient motif. Preuve que cette technique millénaire a encore de belles heures devant elle.
Leçon d’or : casser n’est pas perdre, c’est renaître
Derrière ses pinceaux et sa laque brillante, le Kintsugi nous murmure un truc fondamental : tout n’est pas fichu. Ce qui est brisé peut devenir magnifique.
« Plus qu’une simple réparation de porcelaine, le Kintsugi est riche de sens. Il joue un rôle libérateur puisqu’en réalité à travers l’objet que l’on répare, c’est soi-même que l’on guérit. »
Alors, la prochaine fois que votre bol fétiche se fissure… ne le jetez pas. Sortez la poudre d’or. Ou au moins, gardez-le comme symbole. Parce qu’au fond, le Kintsugi, c’est nous tous. Cassés un peu. Mais toujours réparables. Et peut-être, encore plus beaux qu’avant.
Kintsugi : au croisement de la céramique japonaise, de l’art zen et de la laque ancestrale
Pour comprendre toute la richesse du Kintsugi, il faut le replacer dans l’univers plus large de l’art japonais traditionnel. Un univers fait de silence, de gestes précis et d’une philosophie où chaque fissure, chaque coup de pinceau a du sens. Le Kintsugi, ce n’est pas juste une réparation — c’est un rituel.
Une philosophie issue du zen japonais
Comme l’ikebana (l’art floral japonais) ou la cérémonie du thé, le Kintsugi est profondément influencé par la pensée zen. Il célèbre la lenteur, l’impermanence, et l’attention portée à l’instant présent. Là où un regard occidental verrait un objet abîmé, l’approche japonaise voit une opportunité d’embellir l’histoire de l’objet.
L’amour des céramiques, du four à l’or
Le Kintsugi s’applique à toutes sortes de céramiques japonaises : bols en terre cuite, poteries artisanales, vaisselle émaillée, voire même des porcelaines fines. Ces pièces, souvent issues de l’art Mingei (art populaire japonais), sont le fruit d’un savoir-faire ancestral : formes simples, cuisson au four, et une esthétique qui valorise le naturel. Et quand elles se brisent ? Le Kintsugi leur offre une seconde vie pleine de noblesse.
L’art de la laque : une tradition japonaise millénaire
Mais le secret du Kintsugi, c’est sa laque japonaise (urushi). Extraite de la sève d’un arbre local, elle est appliquée avec précision, en fines couches, à l’aide d’un pinceau traditionnel. Une fois la pièce recollée, la laque devient la base sur laquelle on applique la poudre d’or. Le rendu final, lisse, laqué et lumineux, est à la fois sobre et spectaculaire.
Ce travail demande patience, minutie et une parfaite connaissance des matériaux. Chaque couche de laque doit sécher lentement, souvent dans un environnement humide, à l’abri de la lumière directe. C’est un processus lent, envoûtant, presque méditatif.
En bref, le Kintsugi ne peut exister sans l’alchimie entre la poterie japonaise, l’art de la laque et la philosophie zen. Un mélange subtil qui transforme une simple réparation en geste artistique, et une vaisselle fêlée… en trésor.
FTC’s Fun Fact
💡 Le mot “Kintsugi” signifie littéralement “jointure en or”. Et il existe même une variante, le Kintsukuroi, qui insiste davantage sur l’acte de réparation avec fierté.
Chez FTC Magazine, on vous l’avait dit : la poterie, c’est pas plan-plan. C’est même parfois radical, poétique et carrément bouleversant.
👉 Et vous, vous casseriez un vase Ming pour le réparer à l’or ?
Sources